On parle de vous comme étant une révélation.  D'où venez-vous et êtes vous réellement une révélation de la scène musicale actuelle?

On a commencé la musique il y a une quinzaine d’années.  On ne jouait pas forcément ensemble à l’époque, mais dans des structures adaptées, ou dans un groupe. Par exemple moi (Mat, le chanteur, NDLR) j’ai commencé mon premier groupe à 13 ans, et après avoir chacun eu nos expériences musicales avec nos copains, on s’est retrouvés dans Carving.  Quelques temps plus tard, on s’est trouvé dans la position de faire un nouvel album.  En l’enregistrant on s’est rendu compte que certains de nos morceaux sonnaient différemment, ce qui nous a amené à nous demander si on était entrain d’évoluer, si on devait partir vers une nouvelle voie ou rester dans le punk.  Après un tour de table, tout le monde avait quelque peu envie de se lancer dans un nouveau projet, ça faisait déjà 15 ans qu’on était Carving donc du coup on a décidé de créer Skip The Use, de commencer un nouveau projet et de se mettre en danger, et ça a démarré plus rapidement que Carving.

Comment expliquez vous que Skip The Use ait connu plus rapidement le succès?

C’était sans doute plus accessible que le punk, qui est un courant assez réducteur au niveau de la musique.  On s’est certainement élargi à un plus grand public, de par le nombre de concerts qu’on a fait, et grâce à des partenaires efficaces qui nous ont très vite permis de tourner dans toute la France et d’intéresser un plus grand nombre de personnes.

Regrettez-vous l'époque de Carving ?

Nous sommes les mêmes membres, et je pense que tous ceux qui appréciaient Carving retrouvent cette même ambiance aux concerts de Skip The Use. Cependant, notre musique a évolué, et nous aussi, donc on est parfaitement dans une évolution cohérente entre ce qu’on est aujourd’hui en tant qu’individus et la manière dont notre musique a évolué et on n’a pas de problème de regrets ni de nostalgie.  C’est comme si tu étais dans la rue et que tu te demandais comment c’était quand tu faisais 1m40… au final tu ne te poses pas la question puisque c’est toi et qu’aujourd’hui tu fais 1m70.  C’est pareil pour nous, quand on faisait Carving c’était nous aussi et on a évolué dans Skip The Use avec notre dynamique, nos envies… On a pas créé Skip The Use pour répondre à une demande, mais à une évolution.

Votre musique est décrite comme étant de l'indie/rock, pourriez vous définir ce courant musical?

Faudrait demander à ceux qui ont dit ça! (rires) Le rock indépendant, ou alternatif, c’est là qu’on range tout ce qui est inclassable, ou qui représente un mix de plusieurs styles de musiques. C’est plus facile de classer comme ça.  Quand on nous demande des étiquettes, on répond qu’on en a pas mais le label rock alternatif nous permet d’alterner les styles.  Ca veut tout et rien dire en même temps, car rock indépendant voudrait dire que tu ne réponds pas aux demandes du marché, et donc tu peux te permettre plus de choses.  Mais nous on est chez une major et on se permet quand même tout ce qu’on veut.  Et comme on est chez une major, on peut pas dire qu’on fait du rock indie et pourtant… Ca ne veut vraiment rien dire, on est un groupe de rock et puis c’est tout!

Depuis combien de temps êtes-vous chez Universal et est-ce que vous avez l'impression que ça a professionnalisé votre démarche?

Ca va bientôt faire deux ans, mais on s’est professionnalisé tous seuls, en travaillant plus qu’à l’époque de Carving.  Avec Skip on a essayé de partir vers quelque chose de plus abouti, on travaille beaucoup chez nous, on compose sur nos ordis…

Votre premier album est sorti chez un indépendant, votre nouvel album qui sort le 6 février a été produit chez une major, qu'est ce que ça a changé dans le processus de production?

C’est vrai qu’aujourd’hui on a une équipe avec nous, mais une maison de disque, qu’elle soit indépendante ou major n’a pas vocation à professionnaliser un groupe.  Soit tu l’es, soit tu ne l’es pas.  Donc ce qui a changé, c’est qu’avant on était un groupe avec quelques personnes proches qui y croyaient, une dizaine à tout casser, et maintenant on est 39, donc c’est autant de personnes qui sont venues se greffer au projet.  Il y a beaucoup de discussions pour savoir qui on est, où on veut aller et comment on veut y aller, et les personnes qui viennent se greffer au projet ne sont pas là pour le construire mais pour le servir.  En ce qui nous concerne c’est assez démocratique, on a un directeur artistique avec lequel on est très proches et avec qui on échange beaucoup, il a le recul qu’on n’a pas et parfois c’est l’inverse.  On prend des décisions de concerts qui nous permettent de servir le projet tel qu’on l’a décidé.  Il n’y a pas d’aiguillages ni d’impératifs fixés, et c’est bien notre album qui sort le 6 février, on l’aime et on l’assume complètement et on ne se cachera pas derrière une pancarte disant que maintenant qu’on a signé chez une major, on a été obligés de faire ceci ou cela.  Si notre musique a évolué, c’est parce qu’on a fait plus de 300 dates en 2 ans, à travers 6/7 pays, on a beaucoup bossé de chez nous et écouté beaucoup de musique, ce qui nous a fait évoluer et nous a permis d’aboutir notre son.  Le premier album nous a permis de nous faire connaitre, en tirant un peu à la mitraillette pour dire “coucou c’est nous”, et au 2ème album on a pris un fusil de précision, en essayant d’aller plus loin mais en nous basant toujours sur un socle.  Pour nous ce socle, c’est d’être un groupe de rock, de faire danser les gens, de susciter la réflexion ou la prise de position à travers des textes, ou des fois de détendre l’atmosphère et de foutre le waï à un concert.  Ca reste très large, et plus le temps passe et plus on va approfondir, plus on va travailler un son et créer une identité mais c’est un travail infini, et le jour où on croit l’avoir fini faudra arrêter la musique car il n’y aura plus d’intérêt à continuer.

Quelles sont vos influences dans le rock?

Le groupe de référence qu’on aime tous, c’est The Hives!  On adore leur énergie et leur coté “on est les nouveaux Rolling Stones et on va envoyer le pâté!”.  C’est quelque chose dans lequel on se retrouve tous, même si on ne se base pas que là-dessus pour faire notre musique, mais c’est un groupe qu’on aime vraiment bien pour leur énergie.

On retrouve des titres du premier album dans "Can be late".  Pourquoi ce choix?

On a sorti le premier album un peu à l’arrach’ en prod’ de potes, et les gens qui nous ont découverts en live n’ont pas forcément le premier album.  Or pour nous c’est important qu’il y ait un lien entre les deux albums, pour permettre aux gens de comprendre notre évolution, et c’est pour cette raison qu’on les a repris.  Par exemple, le titre Ghost, qu’on a fait avec des enfants a un coté plus pop tout en ayant des passages plus torturés.  Certains de nos titres sont plus torturés dans le son, comme Bastard Song, et d’autres plus torturés dans les textes, comme Anti-Slavery, et quand tu mélanges les deux, tu peux comprendre qu’on soit arrivé à un Ghost par la suite.  Ca crée un équilibre qui est intéressant, et je ne te cache pas que notre but est de ressortir ce premier album pour en faire profiter tout le monde car il est important de considérer un album dans son intégralité pour en comprendre l’origine.

Vous êtes nominés aux Victoires de la Musique, dans la catégorie "Révélation Scène".  Comment vous gérez ça?

C’est avant tout pour nous une reconnaissance.  On se donne beaucoup sur scène, et c’est aussi grâce à ça qu’on en est là aujourd’hui.  Le live, c’est un peu notre vie, on y est tout le temps.  Cette nomination nous touche beaucoup car faire des dates demande des sacrifices: tu prends du temps pour faire ça en mettant ta vie de coté, sans gagner d’argent, mais quand à la fin tu te retrouves nominé Révélation Scène aux Victoires de la Musique, ça veut dire que tu n’as pas fait ça pour rien; et même si on gagne pas, on sait maintenant qu’on est sur la bonne voie.  On a aussi enregistré un live pour Taratata qui sera diffusé le 2 mars, et le 3 mars on a les Victoires de la Musique.  On aime jouer sur scène et ca nous fait plaisir de le faire aussi à la télé!

Peu de groupes de la région sont nominés aux Victoires de la Musique, et il y avait eu un débat il y a quelques années sur le manque de salles, de lieux de répèts... Avez-vous subi ce manque?

Absolument pas, on est une région avec l’un des plus gros budget culturel, on doit être 2èmes juste après Bordeaux.  Il y a énormément de choses faites par la ville pour la culture mais je pense que c’est juste qu’on est une région qui pendant longtemps n’a pas été regardée.  Le N.A.M.E. festival par exemple fait venir des artistes de partout, il y a beaucoup de groupes de talents, des gens qui gèrent les Maisons Folies et les salles de concert avec leur coeur, des techniciens du spectacle très doués et qui vont par la suite travailler sur des choses très très connues partout en France!  C’est juste qu’il faut le temps pour que les gens se disent qu’il y a des choses bien ici.  Et c’est vrai que le Nord est aussi un vrai vivier de groupes métal mais malheureusement tu ne passes pas aux Victoires de la Musique même si tu t’appelles Loudblast, que t’es allé aux Etats-Unis et que t’as fait des trucs de fous!

Ne craignez vous pas que le succès vous enferme dans un style de musique bien particulier?

Non, au contraire!  Notre 2ème album nous ouvre la voie pour tester plein d’autres styles de musique et on continuera à le faire.  Si on s’appelle Skip The Use ce n’est pas pour rien, ça veut dire changer les habitudes!  On est un groupe de rock mais on ne va pas faire tout le temps la même chose, tout simplement parce que nous ça va nous gaver et qu’on aime voir ce qui se fait ailleurs.  Dans un même concert, on aime faire un titre plus punk, un autre plus pop, un titre plus funky, un autre plus soul… C’est notre taf de faire voyager le public de style en style, de lui faire passer une bonne soirée et d’ouvrir son esprit.  C’est la base même du projet, que ce soit nous, notre encadrement ou notre maison de disques, tout le monde est d’accord pour dire que Skip The Use, c’est ça et personne nous empêchera jamais de nous ouvrir car on est 100 % libres.

Est ce que vous chantez en anglais pour mieux exporter vos chansons et est-ce que ça fonctionne bien?

Plutôt bien!  On est allés en Allemagne où on a été super bien accueillis, c’était vraiment de bons concerts.  Mais l’export ce n’est pas simple et quand t’es en France ça l’est encore moins.  Il faut trouver des gens pour aller sur place, et ça se trouve pas toujours facilement mais ça viendra avec le temps.  Pour l’instant, on a des ouvertures en Allemagne, un peu en Angleterre, aux USA, peut-être en Russie, et on espère que notre 2ème album nous en apportera encore davantage.  Pendant longtemps en France on a privilégié le style Franco-Français certainement dans l’idée de protéger une culture, mais ça a aussi contribué à isoler la France, qui doucement on est entrain de s’ouvrir.  Par exemple la double victoire d’Izia aux Victoires de la Musique a été un gros commencement: une nana qui chante en anglais et que ça n’empêche pas d’être plébiscitée par les professionnels Français!  On commence aussi à se rendre compte qu’il y a une French Touch, surtout dans l’électro.  Par exemple quand tu vas aux Etats-Unis et que tu parles de la France on te dit “David Guetta”, et j’en suis content car qu’on l’aime ou pas, il a apporté quelque chose à la musique, comme Justice avec Cross ou Daft Punk il y a 10 ans, et en France on ne s’est pas assez appuyé sur ces groupes là qui partaient ds le monde véhiculer le savoir-faire français.  L’électro à la française, la French Touch, ça vient de chez nous, mais ici on s’est trop centrés sur notre variété française alors qu’on a les moyens de s’ouvrir. Nous on fait partie de cette génération qui se dit “pourquoi on resterait ici, on va montrer au monde ce que sait faire la France car c’est chanmé de se confronter à d’autres cultures, à d’autres peuples…” cela permet d’apprendre énormément sur soi-même et sur sa musique, et quand tu reviens dans ton pays tu peux transmettre encore autre chose, il y a une interaction, un vrai échange qui se fait, et qui met en valeur la France.

Entre la sortie du nouvel album et votre participation aux Victoires de la Musique, 2012 commence fort pour vous.. qu'attendez-vous de cette année et que peut-on vous souhaiter?

Que ça continue comme ça a commencé!  Pour l’instant on est très heureux et très touchés de l’accueil que reçoit la sortie de notre disque, on ne pensait pas que ça se passerait de cette manière-là.  C’est très flatteur et en même temps, c’est aussi beaucoup de travail qui s’annonce, donc on reste focalisés et on essaie de bien faire les choses.  C’était aussi important pour nous de réunir les médias de notre région, pour dire qu’on vient d’ici, qu’on répète à Ronchin, que cette ville de Ronchin, dans ses locaux municipaux, a permis à moult artistes de la région, Marcel et son Orchestre, les Ten Dubians, Tang de répéter et d’émerger.  On a voulu mettre ça en avant, avant de partir ailleurs en France car demain notre promo continue.  On vient d’ici, c’est ici qu’on a choppé nos influences, c’est ici que sont nos familles, c’est ici qu’on a choppé nos valeurs, c’était important pour nous de démarrer ici!

Can be late, le titre de votre nouvel album, c'est un clin d'oeil au fait qu'il était attendu?

C’est un message à double sens!  Il y a un côté un peu comme Skip The Use où on essaie à travers nos textes de parler en métaphores afin qu’après plusieurs écoutes ou plusieurs lectures on puisse comprendre les messages cachés; Can be late parle aussi à ceux qui, depuis 1 ou 2 ans réclament un nouvel album…  On est aussi dans une époque où tout va très vite, le monde tourne super vite, il faut être connecté, sur twitter, sur facebook, ce qui nous amène à nous dire qu’être rebelle en 2012, c’était peut-être aussi savoir prendre son temps, faire les choses à son rythme… Non pas d’être contre toutes ces avancées qui permettent aux gens d’être connectés et de se rapprocher, on les utilise beaucoup nous aussi, mais des fois prendre son temps ce n’est pas plus mal tout comme apprécier la vie qui passe sans la survoler, et puisque cet album est aussi une photo de la vie à un moment donné, on avait envie que les gens prennent le temps de s’attarder dessus et de comprendre pourquoi on a fait telle ou telle chose, d’où le titre de l’album.

Comment avez vous choisi la couverture de l'album?

C’est parti d’une expo sur le punk qui a eu lieu en Angleterre en 77 ou 78. Au cours de celle-ci il y avait une photo qui représentait des punks de dos qui stylisaient leurs cuirs et en regroupant tous les dessins de leurs cuirs, le photographe en avait fait une oeuvre d’art, grâce à laquelle au lieu de mettre en avant un punk, il a valorisé tout un mouvement.  En utilisant des personnes qu’il a dépersonnalisées, et en les mettant de dos afin que chaque spectateur de l’oeuvre puisse se sentir partie intégrante de celle-ci.  C’est le principe qu’on a voulu récupérer pour l’album car on est supers fiers d’être un groupe populaire au sens premier du terme.

Jusqu'au 6, date de sortie de Can be late, vous tremblez ?

On est impatients!  Ca fait tellement longtemps qu’on attend, le disque est prêt depuis janvier de l’année dernière et on a vraiment hâte qu’il sorte pour proposer de nouveaux shows avec les nouveaux morceaux!

Mathilde