Vous revenez sur scène avec les chansons de Joy Division et "Unknown pleasures", c’était important pour vous de faire une tournée avec ses chansons là particulièrement ?

Quand il a ouvert mon associé m’a suggéré de jouer mes propres chansons et celles de Joy Division, New Order, Monaco et Revenge. J’ai suivi. J’ai rassemblé mes amis. J’ai appelé celui qui s’occupait des claviers dans Monaco et le bassiste est mon fils. On a joué et passé un super moment. Quelques mois plus tard Macclesfield a organisé une exposition sur Joy Division, l’idée était de regrouper tous les groupes de Manchester et de faire un hommage à Ian. C’était génial car ça n’a jamais été fait. J’étais très heureux, beaucoup de personnes se sont impliquées, Steven Morris,  Debbie Curtis, moi même.

Finalement, le projet est tombé à l’eau. Et je me suis dit merde, ça doit être fait quand même. Et pour finir j’ai décidé que ça plaise ou non, de jouer des chansons de Joy Division dans mon club. J’ai lu une interview de Bobby Gilespie (Primal Scream) qui disait que les chansons de Screamadalica  n’avait jamais été entendues et je me suis dit ça aussi pour “unknown pleasures”Les réaction des gens étaient très effrayantes au début et j’étais inquiet mais en fait j’ai vraiment aimé le faire. Après 30 ans ça faisait du bien de ramener cette musique. Quand Joy Division s’est terminé on a mis les morceaux dans une boite et on les a rangés. J’ai trouvé que c’était bien de les reprendre 30 ans plus tard.

Chanter les morceaux c'était quelque chose de spécial pour vous?

A la base je joue de la basse mais j’avais peur de chanter et de me confronter à une sorte de mythe était impressionant. Je ne trouvais personne pour le faire, ils avaient tous peur. La seule personne qui a chanté avec moi c’est Rowetta de Happy Mondays. Je me suis dit “puis merde je vais chanter!”. C’est mon fils qui joue la basse sur la tournée. Mon fils ce qui est très bizarre, il joue de la basse comme moi à 21 ans, c’est flippant! Il avait peur au début mais je pense que maintenant il prend du plaisir. Ca m’a pris du temps pour m’habituer à chanter mais maintenant j’aime ça autant que de jouer de la basse.

Pourquoi aucun des membres de Joy Division n'est avec vous?

On ne se parle pas. On a plus aucune relation. A cause de la rupture. C’est comme un divorce. Vous avez déjà été marié? (rires).

Parfois après un divorce on peut s'entendre…?

Oui mais pas cette fois ci, j’ai dit “new order se sépare” ils ont dit “non c’est toi qui quitte le groupe”. Ca ne reviendra jamais.C’est bête mais à cause de ça, on ne se parle plus.

Vous avez eu l'occasion de réécouter Unknown pleasures et Closer?

J’écoute les chansons, et quand vous analysez les paroles, et la manière d’écrire les chansons de Ian, vous vous rendez compte à quel point ses petits tours d’écriture sont intelligents, ils deviennent évidents quand vous les chantez, ça vaut pour les deux albums. C’est comme votre premier boulot après les études, vous vous en souviendrez toute votre vie, c’est important pour vous car il forme la personne que vous allez être. J’ai été chanceux que UP soit si bien accueilli, il m’a permis de pouvoir continuer à jouer maintenant. Si il n’avait pas été écrit je ne jouerai pas. Je ne me suis senti “coupable”  quand j’ai commencé à le faire comme si je faisais quelque chose que les gens n’aimaient pas ou ne voulaient pas que je fasse. Puis jusqu’ici tout se passe bien. C’est une position assez bizarre de jouer un album aimé par autant de personnes. Tout ce que vous pouvez espérer c’est que les gens voient toute la passion que vous mettez dedans. On travaille très dur pour faire du mieux qu’on peut.

Etiez vous conscient d'être différent à ce moment là? Original et créatif parmi les autres groupes? votre musique est très reconnaissable...

Non on en avait pas l’impression. Quand vous travaillez vous faites de votre mieux, tout le monde essaye de faire de son mieux, c’est ce qui vous rend heureux. Avec notre musique on a été très chanceux, Tony Wilson nous a juste dit “Faites ce que vous voulez, je vous fais confiance”, “fais ci, fais ça, change ci, prend un producteur, change d’auteur…” c’est ce qu’un producteur normal dirait. Il nous a fait, il a fait le groupe que nous sommes, que nous étions, que nous sommes…?

Avez vous aimé l'influence de Martin Hannett sur l'album UP?

Avec Martin c’est bizarre, au début quand il a fait Unknown Pleasures je détestais, je me disais qu’il allait tout ruiner, puis quand j’ai écouté ce qu’il a fait 30 ans plus tard j’étais embarrassé, il a fait un boulot fantastique. Du coup j’ai fait un truc terrible, j’étais trop jeune-on était des punks à l’époque- : j’ai piqué ses trucs donc ce que vous entendez maintenant c’est une coopération entre moi et la collaboration de Martin Hannett pour Joy Division. Les chansons étaient complètement différentes après ça.

Il existe deux films qui parlent de Joy Division "Control" et "24 hour party people".Lequel préférez vous et lequel pensez vous le plus proche de la réalité?

Aucun des deux. Tout le monde a une vision différente de la réalité et de la vérité. C’est difficile d’en choisir un. “24 hour party people” était une comédie, la plupart des anecdotes du film sont fausses mais c’est quand même un bon film. Il était plus axé sur la Factory et c’était exagéré. Avec Anton Corbijn c’était l’inverse. Il y avait beaucoup de vérité dans ce film, il a passé beaucoup de temps avec nous, il connaissait bien les personnages…quand je regarde Control ça me rappelle moi, dans le bon et le mauvais. Je trouve qu’il y a plus de vérité et de réalité à propos de moi dans Control que 24 hour, cependant il reste un film très drôle.

Quoi qu'il ait pu décider de son destin, comment était Ian Curtis dans la création musicale?

Ian était la personne qui écoutait et disait “ça sonne bien”, “faites ça, faites ça encore, c’est génial”.  Il était comme un chef d’orchestre, quand il est mort c’était compliqué car on n’avait plus personne pour nous dire que c’était bon. On ne faisait que jouer. Ca nous a pris du temps pour savoir comment faire c’était toujours lui . Il était le premier à vous encourager “ne laissez pas tomber, il faut continuer” Il était un leader . Il croyait beaucoup en nous. Il avait foi en nous. Dans n’importe quel groupe c’est indispensable, vous devez croire en vous et penser que vous êtes géniaux, vous ne devez laisser personne vous dire le contraire.

Beaucoup de groupes sont influencés par Joy Division bien que le groupe n'ait vécu que 2 ans et demi … quand vous les entendez, retrouvez vous des points communs?

Oui on a joué l’an passé avec White Lies, je peux dire qu’ils sonnent comme Joy Division, comme Ian Curtis. Il faut le prendre comme un compliment. Si vous avez un style d’écriture très distinct et que quelqu’un le copie vous pouvez pas dire à la personne d’arrêter, qu’elle fout tout en l’air, il vaut mieux tout simplement lui dire merci et le prendre comme un compliment. Par exemple Les Cure c’est un mélange de Joy Division et New Order.

Votre manière de jouer de la basse et votre son ont pu influencer les autres?

J’ai été influencé par Jean Jacques Spanel et Paul Simenon donc je leur ai piqué. Je pense qu’il faut avoir la créativité et la foi et la passion pour faire plus, mais vous pouvez emprunter ou utiliser quelque chose pour vous inspirer. Les gens copient Joy Division mais sans aller plus loin. Nous on a été influencé par Kraftwerk mais on a quand même crée notre propre son donc les gens n’ont pas reconnu d’ou venait l’inspiration. L’alchimie dans un groupe est très importante et elle ne change pas vraiment, avec New Order elle était toujours la même.

Avant la mort de Ian aviez vous penser a introduire de l'électronique dans vos morceaux?

Oui. Dans la musique de Joy Division vous pouvez entendre une influence électronique, comme avec “Isolation” ou sur Unknown Pleasures. Des chansons comme Something must break sonnent très disco. Si Ian n’avait pas quitté le groupe il aurait pu chanter Blue Monday…il avait un grand interet pour la musique électronique comme Can. Ca aurait été naturel pour lui. Dès qu’on avait du nouveau matériel il essayait de trouver de nouveaux sons par exemple.

Vous êtes né à Salford, pouvez vous me parler de votre enfance, comment vous êtes vous dirigé vers la musique?

Je n’avais pas envie de jouer de la musique, pas avant le concert des Sex Pistols quand j’avais 19/20 ans. Quand je les ai vu je me suis dit que c’était ce que je voulais faire. Je n’ai pas été inspiré par la musique mais par leur façon de dire “fuck off” à tout le monde. Ils ont inspiré le groupe, on a acheté des instruments et on ne savait pas quoi faire avec. Alors vous achetez des bouquins et vous apprenez à jouer, ce qui est ennuyant quand vous voulez tout de suite jouer . On a été très chanceux c’est assez inhabituel pour deux personnes d’attendre d’avoir 21 ans pour rendre compte qu’ils ont un don musical. Combien de chances y avait il pour que deux personnes qui n’avaient jamais joué avant, une fois ensemble monte un groupe fantastique?

Chaque membre avait son approche personnelle de la musique?

Oui on était chacun un peu unique au début on écrivait des morceaux punk, On écrivait notre propre style, notre propre musique. On n’avait rien planifié, c’est un mystère.

Vous nous parliez de votre nouveau club "The Factory" qui est à Manchester...

C’est l’ancien bureau du label The factory.

Vous voulez en faire une nouvelle Hacienda?

Non pas dans ce genre là, c’est plus petit, mais c’est mieux. En fait j’ai un ami qui  possède 21 clubs, c’est un grand fan d’indie music, de factory, de New Order. Il savait que le  bâtiment allait être fermé et reconstruit et il m’a alors dit “sauvons le, ouvrons un club” et j’ai dit OK. Je pense qu’on a sauvé un lieu historique, qui était comme un point de repère dans l’histoire de Manchester.  Je pense que l’histoire musicale liée à Manchester avec les Stone Roses, les Happy Mondays, Joy division, New Order, The Smiths ne peut pas être éclipsée par la nouvelle génération, aussi dure qu’elle y travaille. Ils sont bons mais pas autant que ces vieux groupes. Certains disent qu’il ne faut pas trop regarder vers le passé mais je préfère m’en servir pour regarder le futur. J’aime beaucoup ce que font Everything Everything, I am Kloot. Beaucoup de groupes viennent de Manchester, je ne sais pas pourquoi mais on est très chanceux. Ils essayent aussi à Liverpool mais n’y arrivent pas aussi bien qu’à Manchester. Il y a beaucoup de studios, ça monopolise encore pas mal de groupes en Angleterre.

Ce soir un film sera diffusé avant le concert, qu'en est il exactement?

Je parle de ma carrière et de ma vie en Angleterre, c’est un petit montage de morceaux populaires de New Order. C’est un moyen pour moi de livrer mes pensées. Certaines personnes aiment, d’autres détestent. On utilise le film comme un support, c’est un bon moyen d’intriduire le concert. Sur certaines dates on a une première partie comme à Nantes ou 4 groupes vont jouer.

Vous avez toujours le temps de mixer avec la tournée?

J’essaye toujours, j’aime créer. J’ai repris le groupe depuis un an, avant ça pendant 5 ans je n’ai rien fait d’autre que mixer et j’ai pris beaucoup de plaisir. Les grands Djs méritent qu’on parle d’eux. Tu dois apprendre et faire en sorte que les gens ne t’ignorent pas. C’est vraiment différent d’être DJ. Quand tu joues et que tu mixes après l’attitude du public n’est pas la même et ça ne marche pas. Je n’aurais jamais pensé reprendre les morceaux d’Unknown Pleasures  il y a un an. L’an prochain je joue Closer. Je vais faire pas mal de pays: Australie, Nouvelle Zélande, Brésil, Japon.

Ca doit être bizarre pour votre fils de jouer de la basse avec vous?

J’ai une super relation avec lui. Ce qui est embêtant pour lui c’est que j’ai toujours un oeil sur lui, je sais exactement où il est. Beaucoup de personnes pensent venir me voir jouer de la basse alors que je chante. Sur beaucoup de points je me considère plus comme interprète que chanteur. Mais je ne suis pas prêt à passer le relai! Je suis encore bien là, et loin de laisser ma place!

Tof et Elsa