Fort d’une carrière débutée à l’aube des années 70 avec les prémices d’un mouvement punk et artistique débridés, l’artiste belge Arno est toujours vivant et bien dans sa musique, dans son époque. Personnage singulier, il reste malgré son succès, proche de son public et des autres et semble prendre la vie avec tout le recul nécessaire.
Avez-vous conscience en France d’avoir une image d’un artiste complétement décalé ? Avec pourtant vos 40 années de carrière …
Ah et bien, je ne sais pas, pour moi c’est un peu difficile de faire une réponse … Parce que je me vois tous les matins devant la glace quand je brosse mes dents parce que, j’ai encore toutes mes dents ! Je me dis aussi en me regardant « quel branleur ! ». Je suis confronté avec moi-même depuis des années. Quand je me vois, je me dis : « une vache donne du lait, pas du champagne », tu vois le Bazard ??.
Nous pouvons vous voir régulièrement sur les médias français, dernièrement un long moment sur France Inter… Ce doit être mon odeur qui fait çà ? J’ai une odeur très forte ! Et passer sur France Inter, c’est bien ?
Oui, plutôt !
Alors c’est bien pour mon égo. Là, j’ai une érection comme la tour Eiffel, je regarde ma braguette.
Vous êtes un artiste international mais en France, vous êtes également perçu comme faisant parti du patrimoine de la chanson française.
J’ai des enfants qui sont nés en France aussi donc dans mon entourage, on parle français. J’habite une ville, Bruxelles, où l’on parle 4 langues : le flamand, le français, l’allemand et l’arabe. Et « lorsque l’on dort avec son chien, on attrape ses puces ». Je suis flamand et pour communiquer, nous sommes obligés de parler 3 langues. Il n’y a que 5 millions de flamands dans le monde et en plus, moi je suis d’Ostende, je suis donc un Ostendais avec une langue parlée par 60 000 personnes. D’ailleurs, mes chansons sont inspirées par des français et des anglais. Ecoute, un jour, mon fils qui vit à Bruxelles mais qui est né à Lyon, était fou amoureux d’une mademoiselle. Il a eu des problèmes parce qu’elle devait choisir entre son ancien copain et lui. Je lui dis « mon fils, l’amour c’est comme une migraine, çà vient et çà va. Il y a plus de femmes que de chinois ! ». Mais quand on est amoureux, on est aveugle (rire d’Arno). Mes enfants parlent flamands et français.
Pas de textes en arabe ?
Non, mais j’utilise des instruments Arabes sur mon album Brussld.
C’est donc votre ville qui a influencé cet album ?
Oui, mais Paris aussi. Quand je suis à Paris et que je pisse à gauche, Bruxelles est mouillée. Ouais ! Bruxelles avec le TGV, c’est une heure. Je suis à une heure de l’Allemagne, de la Hollande et de la France. La Belgique est construite dans l’Europe. On peut dire que la Belgique est la banlieue de Paris, Bruxelles un quartier de Paris.
C’est la raison pour laquelle tu écris tes chansons dans les TGV ?
Oui, je ne conduis pas, c’est trop dangereux pour moi et pour les autres. Je prends le bus et le train et j’écris.
Toujours un petit carnet sur vous, donc ?
Toujours. Je suis très impulsif quand j’écris, j’écris vite des textes moi.
Les textes sont composés avant la musique, alors ?
Il n’y a pas de règles chez moi. Tout dépend, d’abord le texte ou d’abord la musique.
Brussld, tu as commencé à l’écrire quand ? Durant la dernière tournée ?
Non. Là, par exemple, je suis déjà en train d’écrire des chansons. Qu’est-ce que je dois faire autrement ? Quand je suis dans le ‘tour bus’, je lis et j’écris plutôt que de regarder des films.
Bruxelld, c’est ton 18ème album solo avec une grosse tournée et des dates déjà completes, comment perçois-tu la chose ?
Toujours mon odeur (rire d’Arno).
Le public d’Arno est varié...
Oui, c’est bien non ? Moi, je joue pour tout le monde. Je joue pour l’être humain, les Esquimaux, les indiens… Je chante « putain, putain, nous sommes tous des êtres humains ».
Sur ton album tu reprends un titre de bob Marley …
J’ai repris cette chanson pour un journal en Belgique qui était en train de licencier plein de gens. A ce moment là, mon fils était en train d’écouter « Get up, Stand up, Stand up for your life ». Je me suis dis que cela pourrait être formidable pour ces gens, un espoir. Je ne fais pas de Reggae, je ne sais pas le faire mais j’aime bien. Une fois la chanson sortie, les personnes m’ont dit de la mettre sur mon album.
Dans les régions non francophones, les concerts sont-ils identiques ?
Il y a aussi des chansons en français quand je joue en Allemagne ou en Hollande mais je m’adapte. Il y a des chansons qui sont traduits en Irlandais, en Italien, Anglais (…). « Les yeux de ma mère » sont traduits en 5 langues par exemple mais ce n’est pas moi qui l’ai fait !
Tu viens de changer de label, tu es maintenant chez Naïve, pouquoi ?
Parce que j’ai un bon deal avec eux et c’est une maison de disques d’aujourd’hui, pas du passé. Tu vois le Bazard ? Ils font des bouquins, des trucs, pas comme des vieux dinosaures . Et ils sont comme une famille et j’ai besoin de çà. Mais je me dis : « est-ce que dans cinq ans les labels existent encore » ? Qu’est-ce que tu en penses, toi ?
Je ne sais pas, je ne pense pas, plus sous cette forme en tout cas.
Un livre de photographie sors aussi…
Oui, mais ce n’est pas moi qui l’édite. Il s’agit d’un livre de photos prise par mon ami Danny Willems qui me suit depuis 40 ans (NDLR : Livre photos – 144 pages – grand format 31,5×31,2″).