feldup

Tu as commencé à faire ta chaîne YouTube dès l’âge de 12ans… c’est très précoce?

Alors oui, effectivement, j’ai commencé avec la chaîne actuelle à 12 ans, mais j’avais déjà une autre chaîne depuis l’âge de 9 ans. Mais à l’époque, ce n’était pas très intéressant. J’ai grandi sur internet et j’ai toujours eu envie de reproduire ce que je regardais sur internet donc au début, je faisais des vidéos quand je jouais sur des jeux vidéo. Ce n’était pas très intéressant.

Aujourd’hui, tu as quasiment 1,5 million de followers. Ça fait quoi ?

C’est bizarre en fait. Je n’ai toujours pas l’impression d’être là où je suis. Je ne sais pas trop ce que ces chiffres veulent dire. C’est complètement fou.

Chaque vidéo que tu mets en ligne est très attendue....

Oui, les gens sont vraiment à fond, je ne comprends pas pourquoi. C’est assez impressionnant à voir.

Ta particularité sur YouTube est de publier des findings. Peux-tu expliquer en quoi ça correspond ?

C’est assez particulier. Je parle des choses que j’ai trouvées sur internet qui m’intéressent et souvent ça prend la forme d’un jeu de pistes. Ça concerne souvent des mystères irrésolus, qui a pu faire telle ou telle chose. C’est aussi essayer de comprendre si une affaire est réelle, si ce n’est pas quelque chose de faux depuis le départ. On peut aussi parler de différentes œuvres artistiques, expliquer pourquoi elle est intéressante. C’est très vaste en fait, ça parle de choses qui ont une esthétique précise, mais ça peut aller dans tous les sens.

feldup en interview by Tof

Parmi tous les sujets que tu as traités, lequel a été le plus fascinant ?

Il y a eu beaucoup de sujets qui étaient hyper prenants. Mais celui dont je me souviens et qui a exercé une des fascinations les plus prenantes instantanément pendant une courte période de manière très intense, c’était une vidéo sur myhouse.wad. C’était une création de fan sur un vieux jeu vidéo qui s’appelait Doom et qui utilisait le moteur du jeu pour créer une expérience narrative absolument fascinante qui te demandait parfois d’aller sur des sites internet étranges. Je trouvais ça vraiment incroyable.

Sinon le truc qui m’a le plus fasciné dont j’ai parlé concernait les œuvres de l’artiste Alan Resnick qui est un artiste conceptuel très étrange. Un peu performance. Il a réalisé des œuvres comme Alan Tutorial ou This house has people in it dont j’ai parlé pendant de longues heures et qui sont des œuvres absurdes, comico horreur, très étranges avec des messages très flous, mais vraiment prenants avec beaucoup d’esthétique vraiment fascinante.

feldup en interview Lesquin

Et parmi les sujets traités, quel a été celui qui t’a pris le plus de temps pour un résultat finalement décevant ?

Je ne sais pas trop, je ne me suis jamais trop posé la question. En vrai, je ne veux pas envoyer de mauvais messages parce que j’adore faire des vidéos sur les lost média. C’est un sujet que je trouve fascinant. Alors autant j’adore faire des vidéos sur ces sujets-là, autant les recherches peuvent parfois être un cauchemar. C’est particulier de faire une vidéo pour expliquer ce que des gens ne trouvent pas. Parfois, tu cherches des informations pendant des heures et des heures, parfois même pendant des mois un truc que finalement tu finis par ne pas trouver !

Par exemple, sur le finding numéro 100sur This house have people in it, j’ai passé à chercher une lettre sans finalement réussir à la trouver. C’est très frustrant. Mais en même temps, tout le message de la vidéo tourne autour du fait du pourquoi ce n’est finalement pas frustrant en réalité. En théorie, elle m’a demandé 7 ans de recherches, mais plutôt un an et demi dans la réalisation.

On parle beaucoup de l’IA en ce moment. Quel est ton avis là-dessus ?

Je considère qu’il y a deux utilisations pour l’IA. Quand l’intelligence artificielle permet aux artistes de faire plus rapidement une tâche qu’ils auraient finalement faite de toute manière en beaucoup moins de temps, je trouve ça intéressant. Par exemple, des gens qui font des fonds verts et qui créent un IA pour faire ce fond plus facilement, je trouve que c’est bien. C’est enlever une tâche désagréable.

Mais l’IA qui crée de l’art, je trouve que c’est une mort pour l’art. Du point de vue de droit d’auteur, c’est un désastre parce qu’on utilise des tonnes et des tonnes d’œuvres de gens qui n’ont pas donné leur consentement. Ils n’auront aucune compensation financière là dessus et s’ils en avaient une, toutes les entreprises d’IA fermeraient parce qu’elles devraient de l’argent à énormément de gens en des quantités monstrueuses.

L’IA crée des œuvres d’art qui se basent sur de l’aléatoire et parfois il y a des bugs et quand des gens utilisent ça pour créer de l’art, ça peut créer quelque chose de beau et dans ces cas-là, c’est l’humain qui s’immisce dans la technologie. Ce sont les limites de la technologie qui finissent par être belles. Ça sera le cas par exemple pour le grain d’une caméra, la distorsion d’une cassette VHS etc. Je trouve que l’IA est intéressante quand elle fait n’importe quoi, quand elle crée des images terrifiantes, uniquement parce qu’on les voit d’un point de vue humain.

Et en musique ?

En musique, c’est nul. Je n’aime pas l’idée de ces IA qui permettent de remplacer ta voix avec la voix de quelqu’un d’autre. Je trouve ça hyper bizarre et c’est pourtant la principale chose que les gens veulent faire avec l’IA actuellement. En fait, c’est surtout pour prédire ce qui va fonctionner musicalement plus tard. Ce n’est pas très artistique. C’est surtout très commercial. Peut être que dans le futur, ça sera plus intéressant.

Gérer ta chaîne, la musique, la tournée, ça fait beaucoup de choses à gérer. Comment fais-tu pour gérer tout ça en même temps ?

Je travaille beaucoup et en vrai c’est un jonglage compliqué surtout que je fais tout seul. Il y a la tournée, mais je trouve le temps.

Il faut être hyper carré niveau timing alors ?

Si j’étais hyper carré, je pense que je mettrais deux fois moins de temps pour faire mes vidéos !

feldup en interview by LCA

Concernant ton album, quelles ont été pur toi tes influences ?

4 grands groupes ont influencé ma manière de faire. Quand j’étais au collège, le groupe qui m’a plus fait rentrer dans la musique était le groupe Boards of Canada, un groupe de musique électronique écossais. Dès que je les ai écoutés, vers la fin CM2, début 6e, j’ai pété un boulon. J’ai alors commencé à collectionner tous les cds, je voulais tout savoir sur ce groupe. J’ai alors découvert tous les moindres détails, j’étais fasciné par la manière dont sonnait leur musique. Le fait qu’il n’y ait pas de paroles, c’est quand même fascinant, ils cachent des trucs dans leurs morceaux. Tout ça m’a poussé à créer ma propre musique.

J’ai commencé avec Audacity, c’était affreux, puis j’ai utilisé Muscore, mais pareil c’était un cauchemar. Ensuite j’ai trouvé Ableton que j’utilise encore aujourd’hui et sur lequel j’ai composé de la musique électronique dans un premier temps.

En 2016, j’ai découvert Radiohead avec le morceau Burn the witch. Je vois à l’époque un créateur de contenu vidéo que je suivais à l’époque sur internet retweeter le morceau sur internet. J’ai eu un coup de foudre immédiat. Je me suis alors renseigné sur tous les détails autour du groupe et de Thom Yorke, mais aussi avec ses autres groupes comme Atom for Peace ou The Smile. Je suis tombé amoureux du truc et ça s’entend dans la manière dont je chante et encore aujourd’hui, j’ai gardé les réflexes que j’ai pris du fait que je voulais sonner comme Thom Yorke au tout début de ma carrière.

En 2017, j’ai découvert un autre groupe qui est aujourd’hui encore mon groupe préféré. C’est un groupe de rock lo-fi qui s’appelle Car Seat Headrest. La manière dont les paroles sont écrites, la manière dont c’est chanté, la manière dont c’est enregistré est toujours très négligée, sincère, brutale et brute. À l’époque, ça m’avait fasciné.

Enfin en 2019, j’ai découvert Daniel Johnston. C’est un mec qui a toujours été extrêmement sincère dans sa musique, avec des paroles très belles, profondes, directes et le tout fait pour lui dans des conditions psychologiques abominables.

feldup en interview Lille

Un peu les Strokes aussi ?

Évidemment, mais ils ont eu une place moins importante. J’ai moins écouté les Strokes que ces artistes-là, mais par contre les Strokes font clairement partie de mes influences, ça s’entend dans le son. Mais en même temps, quel groupe de rock n’est pas influencé par les Strokes après les années 2000 ?

En 2020, tu signes sur ton label. Quelle est alors ta réaction ?

C’était une surprise et très compliqué parce que je n’avais pas du tout pris la mesure de ce que c’était. En gros, j’ai un ami qui travaillait avec Sean Bouchard et qui m’a dit qu’il aimait ma musique et qu’il allait la transmettre à Sean parce qu’il pensait que ça l’intéresserait. Sean a eu le coup de foudre et il m’a proposé de rejoindre son label Talitres. À la base, je voulais rester indépendant et là, on me propose le label. Je ne mesurais pas ce que c’était. Il faut dire que j’étais jeune à l’époque.

À peine 18 ans. J’étais aussi dans une période un peu bizarre dans ma vie avec des choses graves qui se passaient pour moi. Ils m’ont envoyé le contrat et on me donne les groupes avec qui ils ont travaillé comme The National ou Motorama. Il y a alors eu un moment de peur. J’ai beaucoup hésité à signer et finalement j’ai signé et j’en suis très content car ils me laissent une liberté créatrice. Ils ont une confiance envers ce que je peux écrire, la manière dont je le fais. Ils n’ont rien touché à ma musique et m’ont juste fait confiance. C’est très précieux.

Et comment se passe la tournée ?

C’est très étrange, je ne suis pas habitué à tout ça étant d’un naturel très anxieux. J’ai peur du contact, d’être touché. Je suis très facilement hyper sensible aux lumières. Du coup, ça paraît être l’inverse de ce que je devrais faire ! Mais dans un sens, il y a quelque chose dans la musique. Quand tout fonctionne et que tout s’imbrique, on peut se perdre dans la musique. Ça fait partie des rares moments de partage pur qui peuvent arriver dans la vie. Alors pour l’instant, je suis terrifié sur scène. Mes performances vocales sont encore très moyennes parce que je me mets à paniquer. Je n’arrive pas à gérer mon souffle, mais lentement j’apprends et ça devient de mieux en mieux. C’est hyper stimulant et intéressant comme expérience.

Tu t’es aussi retrouvé sur scène à l’Olympia....

Oui, c’était gigantesque et impressionnant. J’avais même fait une apparition dans un Zénith, mais c’était pour un projet YouTube où je ne chantais pas. L’avantage pour l’Olympia, c’est que ce n’était que pour un morceau. Ça aurait été différent pour un set complet.

Les thèmes abordés dans ton album sont très durs. C’était important pour toi de t’exprimer sur ces sujets ?

J’ai commencé à composer les morceaux pour moi-même, pour essayer de faire sens d’une période abominable de ma vie et d’essayer lentement de me reconstruire à travers des textes. Ce n’était pas censé être entendu. Il y à la base, ça prenait la forme de morceaux sans paroles, distordus, bruitistes qui n’ont jamais fini par sortir. Il y a eu ensuite des morceaux très ambiants, très solitaires exprimant la solitude. J’en avais sorti quelques-uns dans 2 albums d’ambiance qui sont sortis sur mon bandcamp. Mais je l’avais fait à la base pour moi sans qu’ils ne soient censés être entendu par qui que ce soit.

As-tu eu des témoignages de personnes qui se sont retrouvés dans tes textes?

Je les ai fait écouter à des membres de ma famille, mais surtout des amis dans des soirées. Un jour, une amie a fondu en larmes à l’écoute d’un morceau et m’a imploré de le sortir. Depuis ce jour-là, j’ai pris conscience du fait que ça pouvait éventuellement toucher les gens et aider. À l’époque, quand j’avais vécu des expériences traumatisantes, je n’avais rien trouvé sur ce sujet dans d’autres chansons et je me suis dit que j’allais le faire moi-même et je me suis dit que ça n’était pas perdu et qu’il n’y avait rien à perdre à les partager avec d’autres personnes. C’est le cas aujourd’hui et visiblement, ça les touche et c’est bien si ça peut les aider.

J’ai vu des gens qui avaient beaucoup résonné avec les paroles. D’autres se sont sentis très déstabilisés par les paroles brutales, explicites et directes, mais c’était ma manière de faire. C’était important pour moi que ce soit comme ça.

Idem dans les clips, on retrouve ce sentiment ou tu es plutôt malmené.

Pour un album aussi sombre, il faut avoir une imagerie qui parle et pour « Shove It », l’image est plus impliquée que montrée. Les clips sont plus des métaphores visuelles assez compréhensibles. Je pense que les images impactâtes avec ce genre de choses, c’était important.

Comment s’est passé le tournage de « Waters » alors ?

Déjà, il faut construire la cabine téléphonique avec du verre qui coûte très cher. C’était un tournage extrêmement dangereux où j’ai failli mourir parce qu’il y avait beaucoup d’eau et que la pression de l’eau, au bout d’un moment ça peut appuyer sur les parois et tout exploser. Je voulais à chaque fois monter le niveau de l’eau, mais le réalisateur a refusé car ça devenait très dangereux. En plus, je me suis planté du verre qui était tombé à terre, dans la main. C’était un tournage un peu à l’ancienne, mais le rendu est très sympa avec le peu de budget qu’on avait.

feldup en interview
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Enfin, si tu devais choisir aujourd’hui entre ta chaîne YouTube et la musique, que choisirais-tu ?

Je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas faire les deux ! Mais si je devais vraiment choisir, je garderais la musique parce que c’est ce dont j’ai le plus besoin au quotidien, je compose tout le temps, mais il n’y a vraiment aucune différence de passion entre les deux. Je suis à 100 % dans les deux !

Tof — Vanessa Lhrx