Interview réalisée au Splendid de Lille

Deep Forest interview

On fête ce soir les 30 ans du grammy awards. Pensais tu être là encore après toutes ces années ?

C’est marrant. Hier, je suis arrivé à Charles de Gaulle puis j’ai pris le TGV pour Lille et j’ai eu ce coup de nostalgie de refaire ce trajet que je faisais souvent à l’époque. Je me suis dis que les années étaient passées très vite et beaucoup de souvenirs sont remontés.Il s’est passé beaucoup de choses ici et c’est ici que tout a démarré. C’est important et j’y ai beaucoup de souvenirs. Ce soir, j’ai même des copains de lycée qui viennent au concert ou des gens d’Australie qui ont fait le voyage !

Après, je ne me voyais pas là après 30 ans. Déjà, je pensais qu’on avait de la chance après le premier album. Il y avait alors toutes les chances pour que ça s’arrête. C’est quand même une sacrée carrière 30 ans. Et pour nous, il y a eu Bohème, le deuxième album avec lequel on a eu le Grammy en 95, ce qui a lancé une carrière internationale et ça a continué. Et aujourd’hui, je continue à faire des albums et des concerts. Et même si l’industrie musicale a bien changé, j’ai aussi changé la manière de faire les concerts avec des arrangements différents plus électroniques.

Et sur ces 30 ans, quel est pour toi le meilleur et le pire souvenir de ta carrière ?

Aucune hésitation pour le pire souvenir qui était pour moi difficile à accepter. J’ai été jouer à Dubai au pied de la tour Burj Khalifa le 31 décembre. Je devais jouer avant le feu d’artifice, c’était parfait pour chauffer le public de 200000 personnes avant:l’apothéose du feu d’artifice. Mais au dernier moment, les autorités du pays décident qu’on va jouer après le feu.

Le feu d’artifice arrive ; c’était le plus gros et beau que je n’ai jamais vu et plus ça avance, plus je me dis que ça va être compliqué après. Et ça s’est vérifié après parce que j’ai ramé après vraiment. On aurait vraiment du jouer avant, c’était parfait !

Concernant le meilleur, c’est plutôt récent et je suis content de l’avoir fait. Ça m’a beaucoup touché. Je suis allé faire 2 concerts à Kiev en 2024 pendant la guerre cet été. Des gens d’Ukraine que je connais m’ont demandé si je voulais venir pour aider les soldats moralement. C’est difficile. Peu d’artistes internationaux vont là bas en ce moment. J’y suis allé, j’ai pris un train de nuit pour y aller sans communiquer sur la date par sécurité. J’ai fait 2 concerts là bas.

Le lendemain de mon concert, un missile est tombé à côté de mon hôtel. C’était le missile qui avait explosé l’hôpital avec les enfants. J’étais bouleversé car on passe d’un extrême à l’autre mais j’ai joué ce concert pour des gens en guerre et ça m’a fait très drôle de les quitter. J’ai repris le train via la Pologne mais eux sont restés là et quand on a vu la guerre et partagé des moments avec eux, c’est un sentiment très bizarre. C’est un souvenir très émouvant.

Quand on écoute les morceaux de Deep Forest, on a souvent un chant ethnique et des sons qui l'accompagnent. Comment trouve-t-on ces voix ? Et Fais tu d'abord la musique avant de trouver la bonne voix ou l'inverse ?

Je commence toujours par une mélodie et la recherche des voix est une longue histoire. En 92, on avait trouvé les voix sur de cds. A l’époque, on ne voyageait pas, on n’avait pas l’argent pour. Il n’y avait pas internet comme maintenant donc on achetait des disques de musiques du Monde et très vite, on a décidé qu’on allait faire les enregistrements nous mêmes. On a fait notre studio et on a fait venir des gens et aujourd’hui on m’envoie directement les voix ou les sons par mails. J’ai par exemple reçu récemment des enregistrements d’un groupe hongrois. Des gens font des trucs superbes…

J'ai vu une collaboration aussi avec Peter Gabriel... Comment ça se passe dans ces cas là ?

On s’est retrouvé à Paris en studio pour travailler ensemble sur un morceau. C’était mon idole déjà dans Genesis quand j’étais adolescent. Quand je l’ai rencontré, c’était magique. Il m’a proposé un café ! On se fait tout un monde des gens qu’on admire mais dans la vie, ils sont simples ! Il fait partie des belles rencontres que j’ai faites comme Herbie Hancock par exemple.

La tournée de Deep Forest passe par de nombreux pays différents. Le public réagit il différemment suivant le pays où on se trouve ?

Je ne sens pas vraiment de différences. Je ressens plus la même chaleur. Les gens sourient. C’est génial de voir les gens heureux. Ce qui me touche le plus est de voir plusieurs générations. Deep Forest a plus de 30 ans, on pourrait s’attendre à voir des personnes de cette génération mails il y a aussi des jeunes. Il y a 2, 3 générations aux concerts et ça fait plaisir. Avoir un public qui se renouvelle, c’est ce que tous les artistes veulent ! C’est l ‘idéal, je suis très chanceux de continuer à faire des albums et avoir un public qui me suit.

Concernant la date de Lille, ce n'est quand même pas la première fois que Deep Forest joue à Lille ?

Ben si, c’est la première fois à Lille ! On a beaucoup joué à travers le Monde. On a très peu joué en France en fait. Cet été à Valenciennes, j’y étais avec Bob Sinclar mais c’était surtout à l’étranger. Je reviens d’une tournée en Angleterre. Avant, j’étais en Inde et j’enchaîne avec le Mexique ou le Kazakhstan.

L'album live est sorti. Comment ça se passe Deep Forest sur scène ?

Les chansons restent les mêmes et les classiques sont là. Je ne joue plus entièrement la chanson comme avant.J’aime faire un petit rappel et partir sur autre chose. Je n’ai pas envie de jouer comme dans les 90. La musique a changé, nos énergies aussi. J’ai refait tous les arrangements et je les change régulièrement pour apporter de nouvelles choses. J’ai horreur des choses figées et j’aime improviser. Il faut une dynamique dans le spectacle.

Let's make together a better world est le message que tu as laissé pour la nouvelle année. Une excellente manière de résumer Deep Forest ?

Le Monde n’est pas facile en 2025 et la politique part dans tous les sens ? Moi, en tant qu’artiste, j’essaie de donner du plaisir aux gens. On ne peut pas agir plus que ça. Il faut montrer qu’il a de la beauté car la musique,c’est de la beauté. Et partager ça, c’est déjà pas mal ! Je n’ai pas de musique à textes, des textes qui revendiquent par des messages. Ce que je fais est donc plus subtil, plus organique, on essaie de faire passer des émotions par la musique.

Tof